mercredi 6 novembre 2013

Petite bibliothèque de l’amoureux

Introduction :
Nous sommes héritiers d’une époque où « nous avons laissé tomber l’amour » (Günter Anders) et contemporains d’une époque où cette tendance s’est inversée, au profit d’une évocation qui prend parfois les allures d’une incantation. L’amour semble être devenu « une façon interne de comprendre et d’aborder la vie sociale », dans une époque de remise en question des grands systèmes politiques.
Si Platon écrit que l’amour « enfante de beaux discours », il convient de s’interroger sur leur nature. Leur pouvoir de séduction, leur artifice, ne s’opposent-ils pas à la vérité, à la spontanéité des sentiments ? En effet, tous ces discours et textes ont affirmé le caractère essentiellement séducteur de l’amour, ne serait-ce qu’en le représentant sous une forme esthétique et cultivée, donnant « au simple désir  sa véritable dimension érotique ». Gilles Tiberghien ne s’est pas proposé de rassembler les textes les plus significatifs sur la question, mais plutôt d’offrir un parcours de lecture selon un goût et des choix personnels. Les textes choisis évoquent une expérience commune, mais dont le sens ne se laisse pas aisément déchiffrer. (« Dire l’amour, le penser, ce n’est possible que dans un certain isolement, ou dans ce retrait particulier ménagé par les corps des amants. »)  Les textes sur l’amour ne semblent pas parvenir à abolir la distance entre les mots et l’amour, mais c’est aussi ce qui fait leur intérêt et c’est pourquoi Gilles Tiberghien n’a pas donné la préférence à des textes théoriques prétendant nous dire la vérité sur la question, mais plutôt à des textes dont les auteurs, poètes, romanciers ou philosophes, lui ont semblé éprouver ce qu’ils écrivaient, ce qui ne peut s’exprimer qu’à travers leur style. Mais il ne s’agit pas pour autant de textes qui ne feraient que décrire une expérience personnellement vécue : ces textes ne peuvent présenter un intérêt universel que si l’écrivain, à partir des affects qu’il a fait résonner en lui, a su en « trouver la formulation pour en développer les possibles », sans les limiter à son expérience personnelle. L’amour et la raison ne sont donc pas incompatibles, mais on présage, à la lecture de l’introduction de l’ouvrage, que la pensée de l’amour est susceptible d’échapper au cadre du langage, tout aussi scandaleusement que l’amour lui-même peut porter atteinte à l’ordre établi, comme le dit le début de l’introduction.

copyright : L’œil de Minerve
par Danielle Faraud
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