dimanche 31 janvier 2010

Vous détacher de vos opinions personnelles.


Maître Dôgen confiait à ses disciples dans le Shobogenzo-Zuimonki: "Allez écouter d’autres enseignants - sans pour cela trop vous attacher à leurs paroles - et étudiez les dires de nos prédécesseurs, des Anciens".
Etudier les dires de nos prédécesseurs et des Anciens ou écouter des enseignants de la Voie, c’est se faire enseigner la Voie. Mais si on omet le fait que celui qui enseigne, transmet quelque chose, et que celui qui est enseigné recueille cette chose, notre perception de ce qu’est l’enseignement ne sera pas complète, comme l’enseignement ne le sera pas non plus si on reste cantonné à une seule version de ce qu’est la Voie - allez écouter d’autres enseignants.
Bien qu’il puisse y avoir l’un qui enseigne et l’autre qui soit enseigné, ce qui suppose que l’un sait et l’autre pas encore, il ne faut pas négliger le fait que l’enseigné n’est jamais sans savoirs. Mais ces savoirs peuvent être des obstacles à la réception de l’enseignement. Ce qui mène Maître Dôgen à dire à ses disciples : "Pour étudier la Voie, vous devez abandonner votre ego, votre moi. Même si vous avez étudiés mille sutras et dix mille commentaires, tant que vous ne vous serez pas libérés de l’attachement à votre moi, vous risquez de tomber dans l’abîme des démons ..."
Le point fondamental auquel vous devez prêter attention est de vous détacher de vos opinions personnelles, disait-il encore. Ces propos peuvent nous choquer au nom de notre liberté. Dans ce processus "Etude/Enseignement" il y en a un qui parle, qui écrit ou qui montre et l’autre qui écoute, qui lit ou qui regarde. Si nous restons sur notre quant-à-soi, de ce rapport entre enseignant et enseigné peut se construire une relation où l’expression de l’ego prend la forme d’une fascination si celui qui enseigne est bon ou charismatique, ou d’un rejet s’il est ennuyeux. Tout comme il ne faut pas sous-estimer le fait que l’enseigné puisse être aussi réceptif, doué, attentif ou prétentieux parce qu’il pense en savoir davantage. Contrairement à ce que l’on puisse penser – si l’on suit ses penchants ordinaires - l’enseignant ne peut être que celui qui éveille un esprit qui a à devenir. Il ne peut que pointer la lune suivant l’expérience qu’il a de la Voie et nos opinions personnelles ne nous rendent pas disponibles à ce qui est offert. C’est dans cette relation à l’autre que se révèle à nous l’enseignement du Bouddha.
Se détacher de ses opinions personnelles, c’est abandonner sa représentativité – abandonner le corps - ajoutait Maître Dôgen. Faire l’expérience de l’absence de toute représentation de soi révèle la présence de celui qui vit cette absence. Ainsi, l’enseignement qui, ordinairement, est perçu comme l’acquisition d’une connaissance extérieure se transforme en une connaissance intérieure. C’est ce qui est essentiel. Si vous percevez les choses ainsi, alors revenons aux conseils de Maître Dôgen : - Dès lors, efforcez-vous de faire ce qui doit l’être pour le Dharma du Bouddha, même si cela vous paraît ardu, sans penser à ce qui est bien ou mal et en faisant fi de vos opinions personnelles.

Kakudo | Causerie | mars 2006

Maître, Disciple & Dokusan


Pratiquer la voie du Zen, c’est être disciple d’un Maître et pas uniquement pratiquer l’assise à sa façon. C’est pour cette raison qu’il est capital de créer une forme et une attitude qui siéent aux deux. Le Maître n’est pas l’objet d’un désir obscur et le disciple n’est pas un jouet exquis. Pour ce faire, il est essentiel que nous puissions, nous disciples, vaincre nos a priori de toutes sortes et le Maître doit se faire à la raison, à l’instar d’un berger, qu’il n’est jamais propriétaire.Tout au plus il est un enfant en relation avec un oiseau.
S’entretenir avec son Maître (Dokusan) est la matérialisation de l’implication de sa démarche de disciple, l’expression de sa volonté à suivre la Voie. Cette notion de disciple est floue et les seuls exemples nous viennent, soit du Moyen-Orient, soit de l’Extrême-Orient. L’Occident ne pourra exprimer la sienne qu’en acceptant son histoire spirituelle, au lieu de se perdre dans ce qu’il a de plus expressif, son Ego. Exprimer la sienne est possible dans la voie du Zen, si l’Occident ne rejette pas son héritage judéo-chrétien-musulman, sa philosophie, sa vison scientifique au profit d’un divorce avec soi-même, pour une technique couramment appelée, méthode pour le bien-être.
Pour beaucoup de gens, la pratique de l’entretien a l’odeur de souffre du confessionnal, la couleur d’une séance chez son psy et même parfois, elle peut être perçue comme un entretien d’évaluation. On veut bien jouer le jeu de l’entretien s’il y a, à la clé, quelque chose à s’emparer. L’expérience (il faut encore vouloir la faire) montre que le Maître n’absout pas, ne restaure pas de lacune égotique, ne recrute pas et surtout ne délivre aucun certificat, une sorte de capacité fédérale pour aptitude à l’exercice d’une pratique orientée petit professeur (apprenti sorcier) dans un cabinet spécialisé qui portera le doux nom de dojo ou de groupe.
La relation de Maître à disciple n'est que la continuité de l'action réactualisée de tous les Bouddhas et des Patriarches. Le Maître n'est rien d’autre qu'un homme ordinaire qui n'est pas très ordinaire. Refuser cette non_évidence, c'est plonger tout droit dans l'idolâtrie. On ne veut pour Maître que celui qui réponde à nos attentes affectives et sociales. Alors la relation de Maître à disciple, où le dharma s'échange et s'enrichit, disparaît et l'univers du négoce s'installe.On veut de l'évaluable, du jetable, du recyclable, du retours sur investissement  et de la marque made in Japan si possible .
Il est primordial que nous puissions tous trouver un Maître et que nous devenions des disciples. Mais commencer par vouloir trouver un bon Maître avant même d'être soi-même prêt à accepter une relation différente de nos aspirations égotiques, c'est à coup sûr ne pas pratiquer du tout, ou tout au plus s'exercer à bien croiser les jambes pour mimer l'immobilité. La pratique devient malencontreusement l'exercice pour regonfler le moi qui désire tant exercer ce pouvoir de fascination que l'on  étale sous différentes formes et en de différentes occasions aux seins de réseaux sociaux par exemple  et qui finit chez certains par la ré-actualisation d'un puritanisme victorien. 


Kakudo| Causerie mars 2008

jeudi 28 janvier 2010

Bonté divine De Frédéric Lenoir et Louis-Michel Colla.


Un vendredi soir, à la suite d'une rencontre inter religieuse, un prêtre, un rabbin, un iman et un bonze bouddhiste se retrouvent enfermés dans une pièce sans aucun contact avec l'extérieur. Les auteurs parlent essentiellement de l’homme ordinaire et de ses doutes pas ordinaires : qu'est-ce que la foi ? Qu'est-ce que l'engagement et la volonté ? Pourquoi doute-t-on?

Finalement, le bouddhisme avec ces pieds nickelés, copains comme cochon,  ne sert que de point d’équilibre.Dans ce huit clos, le rire se mêle à l’émotion. Ce qui nous reste après: une impression de légèreté pesante. Cela nous fait penser, alors à  Merleau Ponty qui écrivait:"La religion fait partie de la culturenon comme dogme, ni même comme croyance, comme cri."


On a aimé.

SHIN JIN MEI | L 'écrit sur le moi| Maître Sosan (VII°)


La Voie n’est pas difficile pour ceux qui sont sans attente. Quand les sentiments d’amour et de haine sont absents, tout devient clair et limpide. Dès qu’il se crée dans l’esprit, ne serait-ce qu’un semblant de jugement, une distance infinie sépare le ciel de la terre. Si nous souhaitons voir la vérité, n’entretenons pas le jugement. S’établir dans un combat du vrai contre le faux aboutit inévitablement à l’affection de l’esprit. Aussi longtemps que le sens profond des choses n’est pas compris, vouloir pacifier son esprit est chose vaine.
La Voie est aussi parfaite que le cosmos, sans superflu ni carence. C’est notre volonté intransigeante de suivre nos propres penchants qui nous empêche de voir la vraie nature des choses. En mourant à soi-même, par l’oubli de soi-même, nous trouverons la sérénité et la paix de l’unité . Si nous voulons arrêter toutes activités pour réaliser la tranquillité, tous nos efforts produiront de l’agitation. Tant que nous sommes tiraillés dans les extrêmes, nous ne connaîtrons jamais la tranquillité.
Hors de la Voie, les mérites contenus dans l’activité, la passivité, l’approbation et le déni sont perdus. Nier la réalité, c’est s’y embourber, courir après la vacuité c’est s’en éloigner. Plus nous l’analysons et plus nous discourons à son sujet, plus nous nous éloignons de la vérité Tout est simple si nous arrêtons de discourir sur tout et d’analyser tout. Retourner à la racine, c’est s’accorder avec le sens, courir après les civilités, c’est perdre l’Origine. Si nous parvenons à l’illumination, même un instant alors civilité et vacuité sont transcendées. Par notre ignorance, les phénomènes qui nous semblent provenir du monde de la vacuité nous paraissent réels. Il est inutile de rechercher le vrai, contentons-nous seulement de ne pas avoir de préjugés.
N‘entretenons pas la dualité en cultivant nos préjugés. Si en nous demeure, ne serait-ce qu’une infime notion de juste et de faux, de bien et de mal, alors notre esprit s'enlise dans la confusion. A l’origine de la dualité il y a l’UN et pourtant il faudra ne pas nous y attacher. Dans la Voie, quand l’esprit demeure dans la tranquillité, les dix milles dharmas inoffensifs ne nous touchent plus et alors le changement se produit.
Quand vient le temps de la pensée NON_DISCRIMINANTE, le vieil esprit meurt. L’objet et le sujet disparaissent conjointement. Lorsque l’esprit s’efface, les objets s’effacent aussi. Il y a objet parce qu’il y a sujet ou esprit. L’esprit devient sujet parce qu’il y a l’objet . Si nous voulons comprendre la relativité du sujet et de l’objet, nous devons convenir que les deux sont vacuité. Dans la vacuité les deux sont sans caractéristique propre et contiennent chacun le monde dans sa totalité. En ne faisant pas de différence entre le grossier et le subtil, nous évitons l'aveuglement et le sectarisme.
Cheminer dans la Voie véritable, n’est ni facile, ni difficile. Mais ceux qui ont un esprit bien arrêté sont contaminés par la crainte et le doute. Croyant être en mesure de brûler les étapes, finalement ils finissent par se traîner. L’attachement ne connaît aucune mesure. S’attacher à l’illumination, c’est aussi s’égarer. Laissons les choses advenir et les agitations cesseront d’elles-mêmes.Conformons-nous à la nature des choses , dans ces conditions nous cheminerons tranquille et libre. Quand l’esprit est sous influence, la vérité est bafouée par l’obscurantisme. La fâcheuse tendance à devoir porter un jugement sur tout entraîne ennui et lassitude. Quels avantages tirons-nous en établissant des catégories?
Si nous désirons cheminer sur la voie de la NON_DUALITE, il n’y aucune raison de détester le monde des sens , ni le monde de l’esprit. Les accepter véritablement peut se comparer à l’illumination. L’homme de sagesse ne poursuit aucun but, alors que l’idiot s’enchaîne lui-même. Il y a un seul Dharma, pas plusieurs. Les qualificatifs naissent du besoin d’attachement des ignorants. Chercher l’esprit avec un esprit purement analytique, n’est-ce pas là une erreur grossière?
L’illusion produit autant la tranquillité que la confusion. Prenons-en conscience sans penser à bien ou à mal. Toutes dualités résultent de déductions faites sous l’influence de l’ignorance. Elles sont semblables à des rêves, à des spectres et à des fleurs de vacuité. Pourquoi devrions-nous nous escrimer à vouloir les saisir? Gain et perte, vrai et faux, de telles considérations doivent être abandonnées. Si nos yeux ne dorment pas, naturellement les rêves se dissipent. Si l’esprit ne crée pas la différence alors les dix mille choses sont ce qu’elles sont: Absolu, Unité. Comprendre cela, c’est se libérer de tout imbroglio. Quand toutes les choses sont vues avec équanimité, nous retournons à ce que nous avons toujours été. Comparaison et analogie ne sont plus de mise dans cet état sans cause ni effet. Examiner le mouvement dans l’immobilité, et l’immobilité dans le mouvement, alors mouvement et immobilité disparaissent. Quand de telles dualités cessent d’exister, l’Unité ne peut exister. Finalement, cela n’est régi par aucune loi ni par aucune règle.

L’esprit pacifié en accord avec la Voie arrête tout mouvement égocentrique. Le doute et les hésitations s’arrêtent et apparaît la confiance juste . D’un seul coup, nous voilà libérés du joug de l’esclavage; plus rien ne s’attache à nous et nous ne sommes attachés à rien. Tout est vacuité, clarté, s’illuminant tout naturellement sans user de la puissance de l’esprit. A ce stade-là, pensées, sentiments, connaissance et imagination n’ont plus aucune valeur. Dans l’Ainsité, il n’y a plus de moi, il n’ y a plus de toi.
Pour entrer en harmonie avec cette réalité, il suffit de dire, lorsque survient le doute: " non_deux". Dans ce " non_deux" rien n’est séparé, rien n’est exclu. Peu importe le moment ou le lieu, l’illumination veut dire que l’on a eu accès à cette vérité qui n’augmente ni ne diminue dans le temps et l’espace, si bien qu’une simple pensée équivaut à dix mille ans.
Vacuité ici, vacuité là-bas, qu’importe, l’univers infini est là devant nos yeux, à la fois infiniment grand et infiniment petit, aucune divergence, car toutes définitions sont caduques, il n’y a plus de limites. L’être devient NON_ETRE, comme le NON_ETRE devient être. Ne gaspillons pas notre temps dans le doute et dans des raisonnements sans fondement.
L’unité contient toutes choses, toutes choses en elles-mêmes sont UNITE. Si c’est ainsi, pourquoi se soucier de la non_perfection. Vivre dans la foi est la voie de la non_dualité, parce que la non_dualité est un avec l’esprit confiant. Paroles! La Voie est au-delà du verbe, car elle ne contient ni passé, ni présent, ni futur.

Traduction française de Rd Kakudo

samedi 23 janvier 2010

Le Miracle de la Pleine Conscience - Thich Nhat Hanh




Miracle de la Pleine Conscience est un commentaire assez libre sur le Soutra Anapanasati. Il traite du maintien de l’attention par la respiration. Ce commentaire ne se lit pas comme un ouvrage universitaire.
Le Miracle de la Pleine Conscience ne reste pas moins un des livres les plus populaires du maître Zen Thich Nhat Hanh. Comment prendre possession de notre conscience et comment la garder dynamique à la réalité, qu'il s'agisse de manger une mandarine, de jouer avec nos enfants, ou de laver la vaisselle. Maitre Thich Nhat Hanh donne un enseignement pratique avec des anecdotes et autres histoires pour montrer comment l'esprit méditatif peut être réalisé à tout moment et comment il peut nous aider dans notre quotidien.
On a aimé bien que pour certains cet ouvrage est ce qui se fait de plus kitsch bouddhiste, mais s'ils s'essayaient concrètement à la pratique juste d'Anapanasati, ils tourneraient moins en rond.

  • Editeur : J'ai lu (20 octobre 2008)
  • Collection : J'ai lu Aventure secrète
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 229001107X

jeudi 21 janvier 2010

Un Sangha, c'est quoi au juste ?


Du temps du Bouddha, il n'existait aucune structure permettant à un individu de mener une quête spirituelle qui puisse lui fournir : le bien-être, la sécurité, la confiance et une certaine normalité. En créant la communauté de moines, puis celle des nonnes, Bouddha a été un des précurseurs de l'ordre monastique, "le Sangha". Mais les écrits font aussi référence à des hommes ou à des femmes menant une existence tout à fait ordinaire avec une famille et un travail qui réussirent à pratiquer ce que le Bouddha a enseigné. Donc, cela élargit la notion de Sangha et c'est tant mieux ainsi. À notre époque - sans pour cela être des moines ou des nonnes - on peut aussi y arriver, si on le veut bien. Il est vrai qu'il serait plus simple de vivre dans un lieu calme à l'écart de la vie mondaine, dans un gentil monastère, ou une sorte de communauté bisous bisous. Mais comment apporter un réconfort et un soutien si le contact avec nos semblables est absent, ceux qui sont de l'autre côté du mur du potager ? Un Sangha est avant tout une communauté de pratique qui s'associe ou qui se regroupe dans le dessein d'un partage. Dès qu'il y a pratique et qu'il peut s'instaurer une relation et une prise de décision communautaire, alors il y a Sangha et il n'y en aurait pas sans cette volonté.
Pourquoi vouloir partager avec d’autres? Maître Dôgen a confié à Ejo que tout homme est équipé de la Voie, qu'elle est inhérente à chacun, mais son éveil - celui de l'humain - dépend de ses autres congénères. Une pratique partagée - même si cela ne semble pas aller de soi - finalement, par expérience, nous donne une certaine stabilité et nous structure. La présence des autres nous protège et nous procure une force certaine. Sans distinction, il peut y avoir des laïcs, des moines, des nonnes et des oblat(e)s. Il est nécessaire que tous participent pour encourager l'expression de ce qu'il y a de mieux en chacun - le Sangha n'est pas forcément une réplique d'une assemblée où se débattent les jeux du pouvoir - dans une harmonie, celle qui exige le respect. Il ne faut pas croire que l'on constitue un Sangha qu'avec des personnes que l'on aime, mais on peut espérer par contre finir par les apprécier. Le Sangha a cette capacité de faire naître en nous le désir de compatissance, qui n'est pas autre chose que ce désir de l'esprit d'Eveil. On peut comparer cela à l'abandon de l'ego ou au fait de vivre son humanité ou de garder vivant l'enseignement de Bouddha - ce qui donne un autre point de vue de l'abandon de l'ego. Le Sangha le plus efficace est celui de proximité, c'est une évidence. Le partage du quotidien est plus direct, concret et ne se fourvoie pas dans les recoins de la prose et des mots d'ordre comme par exemple "nous sommes les gentils et les beaux "ou " nous appartenons au grand Sangha, le cosmique".Le partage du quotidien c'est plonger dans l'Océan du Samsara et sans lui , il n'y aurait ni  Nirvana ni Eveil.
Comment aider et faire partie d'un Sangha ? D'abord, bien comprendre que ce n'est pas le sangha qui intègre, c'est nous qui nous agrégeons à lui. Puis faire naître en soi la flamme d'une pratique concrète sans se limiter par des vœux pieux, et se mettre au service du Sangha. C'est lui qui exprime le besoin, pas nous qui exigeons une place. Il faut se faire à l'évidence, il faut vouloir et finir par pratiquer dans un Sangha même avec toutes les imperfections qu'on peut lui trouver. Il se trouve une myriade de blogs sur la toile où les  rédacteurs éructent leur prose macérée dans leurs frustrations et leurs rancoeurs, mais il ne faut pas oublier que le Sangha reste encore,  expérience faite,  la meilleure façon de garder la pratique vivante, même s'il est imparfait.


Rév. Kakudo

Grand ou petit sangha



Ceux qui viennent au Zendo pour la première fois, (après avoir fait pour certains, une expérience dans d’autres lieux de pratique) sont parfois soucieux de savoir où ils mettent les pieds et s’interrogent sur l’importance en nombre de la communauté qui les accueille. Si nous devons répondre à ce genre de questionnement, sur quels critères nous référer pour définir l’importance d’un Zendo ? Devons-nous prendre pour référence le cash-flow, les biens immobiliers, la présence médiatique de ses dirigeants, la capacité d’expansion, le nombre de pratiquants et sans oublier son turn-over? Est-ce juste de ne voir l’importance d’un Zendo ou d’un Sangha que sous cet angle ? D’une seule voix, ceux qui ont une expérience de pratique, diront non. Mais la question demeure pour beaucoup de personnes.


Dans le Eihei Koroku (cas 128 vol 2), Maître Dôgen conseille à ses disciples de ne pas prendre comme critères la fastuosité des bâtiments ou la quantité de pratiquants pour statuer. Car il se peut que parmi la multitude de pratiquants, il ne se trouve personne pour pratiquer vraiment la Voie ou qu’il y en ait au sein d’un groupe qui vous paraisse insignifiant.
Dans les monastères où ont œuvré des Bouddha ou des Patriarches, il y a toujours eu Zazen, des enseignements et des entretiens sur le Dharma. Dans le Sangha de Maître Funyo Zensho qui ne comportait que sept à huit moines et dans celle de Maître Joshu Jushin qui était constitué de moins de vingt moines, il y a toujours eu zazen et l’enseignement du Dharma. Comme selon Maître Dôgen, un monastère est grand que si l’on y pratique fusetsu et shosan, alors les Sangha de Maître Funyo Zensho et de Maître Joshu Jushin ( bien que pas si nombreux ni si fastueux) sont tous deux de grands Sangha. Ainsi, seuls la pratique de zazen et l’enseignement priment sur tout autre critère.


Pour conclusion, reprenons ce que Maître Dôgen a dit à ses disciples : - Dans mon école, il y a des mots et des phrases. Les yeux et les bouches s’ouvrent les uns après les autres. Saisissez et exprimez le Dharma pour le bien des autres, y compris ceux qui proviennent de la matrice d’un âne ou d’un cheval.
Alors on ne peut pas en vouloir à un Sangha d'être dynamique, imaginatif et créatif  et à certains moines ou enseignants de zen  d'avoir de la ressource.


Rév.Kakudo

samedi 16 janvier 2010

Kōmyōzō -Zanmai | La lumière spirituelle, trésor de Samadhi | Maître Koun Ejō

Voici quelques conseils judicieux que je souhaite édicter à ceux qui sincèrement aspirent à pratiquer la voie.

  • Fuyez ce désir de parvenir à un état d’esprit particulier et d’obtenir quelque chose de spécial.
  • Abstenez-vous de vous en remettre à ce que vous croyez être la sagesse et ne vous fiez pas à votre érudition.
  • Évitez d’être présomptueux parce que vous avez acquis un quelconque savoir en pratiquant.
  • Fuyez la nostalgie, jetez-vous de toutes vos forces et corps et âme dans le grand Kōmyōzō.
  • Accueillez vos pensées, mais ne vous identifiez pas à elles. Ne courez pas après l’éveil ou n’essayez pas de dissiper vos illusions.
  • Pratiquez une assise constante et calme. Si vous ne recherchez pas à maintenir le flot de vos pensées, elles ne s’ancreront pas d’elles-mêmes. Seulement s’asseoir comme si vous étiez l’univers infini ou une boule de feu. Immergez-vous avec confiance dans l’inspire et l’expire.


Bien qu’apparaissent les 84’000 vices, si vous n’y accordez pas d’importance - si vous ne les entretenez pas - et si vous les abandonnez à leur triste sort alors de chacun d’eux ou même de tous peuvent surgir la grande sagesse. Pas uniquement durant l’assise, mais aussi dans chacun de vos actions de tous les jours et cela sans aucune distinction. Faites en sorte que chaque moment de votre vie soit le dernier instant, complètement détaché de toutes attentes et de toutes considérations personnelles.
Inspirer ou expirer, toucher ou écouter, être sans pensée et limitation, ce n’est rien d’autre qu’être dans la tranquillité à la lueur de Kōmyōzō. Dans l’unité du corps et de l’esprit, vous êtes totalement présents, c’est pourquoi, dès qu’on vous appelle, vous répondez : Forêts, fleurs, herbes et feuilles, être humains, animaux, petit ou grand, long ou court, carré ou rond. Tous s’expriment de concert indépendamment de leurs différences. C’est au regard de cette lueur que les gens ordinaires, les sages, les égarés et les éveillés ne font qu’un. Elle émerge d’elle-même et ne dépend en aucune manière de vos facultés mentales. Et même si vous vous mettez à agir, elle ne sera en aucune manière affectée.
Depuis le commencement, cette lueur n’a eu de cesse d’être active. Dans ce monde, elle n’apparaît pas de concert avec la venue des Bouddhas et quand ces derniers entrent dans le nirvana, elle ne les rejoint pas automatiquement. Kōmyōzō n’est pas apparue lors de votre naissance et ne disparaîtra pas lors de votre mort. Elle ne se bonifie pas auprès des Bouddhas, elle ne se déprécie pas auprès des êtres ordinaires. Ce n’est pas parce que vous êtes dans l’erreur qu’elle l’est, pas plus qu’elle est éveillée parce que vous l’êtes. Elle n’a aucune position, aucune apparence, aucun nom. Elle est le cœur des phénomènes. Vous ne pouvez pas vous en emparer comme vous ne pouvez vous en débarrasser. Bien qu’insaisissable, tant physiquement qu’intellectuellement, elle est. Du plus profond du paradis aux profondeurs de l’enfer, tous les endroits sont éclairés de la même façon, sans distinction. C’est l’inconcevable rayonnement de la spiritualité providentielle. Si vous comprenez cela, vous n’avez plus besoin de questionner tout le monde au sujet de ce qui est juste ou faux. C’est comme si vous vous retrouviez soudainement face à face avec votre grand-père dans une ville inconnue.
Depuis le commencement, ce Samadhi (Kōmyōzō -zanmai) est l’endroit où par sa pratique Sakyamuni atteignit l’éveil - l’océan de tous les Bouddhas. C’est aussi zazen, l’assise des Bouddhas, la pratique des Bouddhas, celle qui nous a été fidèlement transmise de génération en génération. Ne transformez pas votre pratique en quête effrénée de la certification de votre Maître ou de signes prédisant le moment de votre éveil comme il est préférable de fuir tout attachement aux fastes et de ne pas se laisser dominer par ses penchants sexuels.
Comme vous êtes déjà des fils de Bouddha, alors assoyez-vous fermement avec la même conviction que les Bouddhas. Ne vous assoyez jamais en vous comportant comme des démons, des esprits affamés, des animaux, des esprits vengeurs, des êtres humains, des êtres célestes, sravakas, ou pratyekabuddhas mais pratiquez Shikantaza. Ne perdez pas votre temps. C’est cela l’esprit véritable du lieu où Bouddha eut l’éveil. C’est ce qui est désigné par Kōmyōzō -zanmai, l’inconcevable libération.

mardi 12 janvier 2010

Zen de Dogen | Le film


Ce film de deux heures retrace la vie de Maître Dōgen de la mort de sa mère à sa propre mort en mettant l’accent sur sa période chinoise et celle de l’instauration du zen Sōtō au Japon. Il ne faut pas s’attendre à un documentaire sur l’homme ou sur son œuvre, mais plutôt à une fiction avec tous les ingrédients. Le film semble être articulé autour d’une sélection de citations et d’évènements, il y a reconstruction de la vie de Maître Dōgen sans négliger l’essentiel. Son enseignement est, il faut le signaler, assez bien restitué.
L’acteur de kabuki Nakamura Kantarō dans le rôle du maître est un peu figé. La belle Yuya Uchida Orin en prostituée est touchante comme une nonne en herbe peut l’être.

Tous les liens proposés vous mènent à la version originale. Si vous ne comprenez pas le chinois ni le japonais, il ne vous reste plus qu’à regarder les images. Il existerait une version sous-titrée en anglais, il vous faudra la trouver.

On a aimé,  bien que ce  film ne soit vraiment pas et ne sera pas une référence. Un lien pour voir le film sur votre PC, mais  il vous faut une bonne ADSL.

lundi 11 janvier 2010

Antaiji | curiosité, mythe ou réalité ?

Antaiji, un temple perdu dans les montagnes de la préfecture de Hyōgo qui suit les règles de Maître Dōgen, réinstaurées par Maître Kōdō Sawaki. Il est, actuellement, sous la direction d’un Occidental, d’origine allemande, Muhō Mölke. Est-ce un objet de curiosité, un mythe du zen Occidental ou une réalité ? Le journaliste Fabien Gérard y a séjourné et a réalisé un documentaire. On est loin du zen bobo à la sauce Wabi sabi | 侘寂 .Vous y trouverez surement une réponse à vos questions. 



jeudi 7 janvier 2010

Le Zen au féminin


Femme de la voie | Women on the way




Ce n’est avec aucun a priori que Tisdale commence à pratiquer le bouddhisme Zen, il y a 25 ans. Des années plus tard, elle fait le constat que les femmes sont peu présentes dans le corpus bouddhique. Corpus qui semble avoir été écrit par les hommes pour les hommes. Y aurait-il un corpus féminin méconnu ?
Si oui, alors il faudrait le rendre visible. Tisdale rétablit une lignée féminine à partir d’une étude approfondie de la littérature bouddhique. Bien que son projet fût de redonner au bouddhisme sa part féminine, la sagesse et la pensée de ces femmes l’ont amenée à transcender l’idée que l’on se fait de la place de l’ homme et de la femme dans l’approche spirituelle.


Author : Sallie Tisdale
Paperback: 320 pages
Publisher: HarperOne (March 13, 2007)
Language: English
ISBN-10: 0061146595


Women Living Zen: Japanese Soto Buddhist Nuns
Femmes et moniales Zen


Dans cette étude à partir de preuves historiques et de données ethnographiques, Paula Arai montre qu’au sixième siècle les religieuses ont été capitales dans la propagation du bouddhisme au Japon.
Elles ont participé activement à l’école Zen Soto, et n’ont cessé de contribuer à son rayonnement jusqu’à nos jours.
S'appuyant sur un travail de terrain parmi les religieuses Soto, Arai démontre que la vie de beaucoup de ces femmes incarne les idéaux classiques bouddhiques. Elles ont fait délibérément le choix de mener une vie monastique stricte au détriment de brillantes carrières, et d’un mode de vie libérale laïque. En cela, la vie de ces femmes contraste avec celle de leurs homologues masculins.


Author : Paula Kane Robinson Arai
Hardcover:272 pages
Publisher: Oxford University Press, USA (August 26, 1999)
Language: English
ISBN-10: 019512393X
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