dimanche 31 janvier 2010

Vous détacher de vos opinions personnelles.


Maître Dôgen confiait à ses disciples dans le Shobogenzo-Zuimonki: "Allez écouter d’autres enseignants - sans pour cela trop vous attacher à leurs paroles - et étudiez les dires de nos prédécesseurs, des Anciens".
Etudier les dires de nos prédécesseurs et des Anciens ou écouter des enseignants de la Voie, c’est se faire enseigner la Voie. Mais si on omet le fait que celui qui enseigne, transmet quelque chose, et que celui qui est enseigné recueille cette chose, notre perception de ce qu’est l’enseignement ne sera pas complète, comme l’enseignement ne le sera pas non plus si on reste cantonné à une seule version de ce qu’est la Voie - allez écouter d’autres enseignants.
Bien qu’il puisse y avoir l’un qui enseigne et l’autre qui soit enseigné, ce qui suppose que l’un sait et l’autre pas encore, il ne faut pas négliger le fait que l’enseigné n’est jamais sans savoirs. Mais ces savoirs peuvent être des obstacles à la réception de l’enseignement. Ce qui mène Maître Dôgen à dire à ses disciples : "Pour étudier la Voie, vous devez abandonner votre ego, votre moi. Même si vous avez étudiés mille sutras et dix mille commentaires, tant que vous ne vous serez pas libérés de l’attachement à votre moi, vous risquez de tomber dans l’abîme des démons ..."
Le point fondamental auquel vous devez prêter attention est de vous détacher de vos opinions personnelles, disait-il encore. Ces propos peuvent nous choquer au nom de notre liberté. Dans ce processus "Etude/Enseignement" il y en a un qui parle, qui écrit ou qui montre et l’autre qui écoute, qui lit ou qui regarde. Si nous restons sur notre quant-à-soi, de ce rapport entre enseignant et enseigné peut se construire une relation où l’expression de l’ego prend la forme d’une fascination si celui qui enseigne est bon ou charismatique, ou d’un rejet s’il est ennuyeux. Tout comme il ne faut pas sous-estimer le fait que l’enseigné puisse être aussi réceptif, doué, attentif ou prétentieux parce qu’il pense en savoir davantage. Contrairement à ce que l’on puisse penser – si l’on suit ses penchants ordinaires - l’enseignant ne peut être que celui qui éveille un esprit qui a à devenir. Il ne peut que pointer la lune suivant l’expérience qu’il a de la Voie et nos opinions personnelles ne nous rendent pas disponibles à ce qui est offert. C’est dans cette relation à l’autre que se révèle à nous l’enseignement du Bouddha.
Se détacher de ses opinions personnelles, c’est abandonner sa représentativité – abandonner le corps - ajoutait Maître Dôgen. Faire l’expérience de l’absence de toute représentation de soi révèle la présence de celui qui vit cette absence. Ainsi, l’enseignement qui, ordinairement, est perçu comme l’acquisition d’une connaissance extérieure se transforme en une connaissance intérieure. C’est ce qui est essentiel. Si vous percevez les choses ainsi, alors revenons aux conseils de Maître Dôgen : - Dès lors, efforcez-vous de faire ce qui doit l’être pour le Dharma du Bouddha, même si cela vous paraît ardu, sans penser à ce qui est bien ou mal et en faisant fi de vos opinions personnelles.

Kakudo | Causerie | mars 2006